Gouvernance des données & Digital Workplace à l’heure du Cloud

[Cet article rédigé par Alain Garnier provient d’Océan Bleu 2020, que vous pouvez retrouver sur la page des téléchargements.]


Les données non structurées ont (quasiment) toutes basculé dans le Cloud ou sont en cours de bascule. Il s’agit des mails bien sûr, avec les agendas qui les suivent de près, mais surtout des fichiers, emmenés par paquets de téra-octets dans le Cloud avec les « Drive ». Cette bascule, a eu lieu en moins de cinq ans, poussés notamment par les géants du numérique : Microsoft en tête, Google et IBM, les trois acteurs les plus en pointe sur cette question du Cloud. Les chiffres sont impressionnants. Selon une étude Gartner, d’ici 2022, l’industrie des services cloud affichera une taille et une croissance près de trois fois supérieures à celles de l’ensemble des services IT dans le monde. [1]

 

La promesse du Digital Workplace

La promesse pour cette nouvelle Digital Workplace est principalement portée par les usages des utilisateurs : des outils plus simples, un lien évident avec le mobile, moins de DSI, et plus d’autonomie pour les employés. Voilà les principaux atouts de ce Digital Worplace. Microsoft en a fait le fer de lance de sa stratégie de reconquête des grands comptes, et a réussi son pari de passer dans le Cloud. Mais qu’a-t-il passé dans le Cloud en fait ?  Quelle est la part de modernisation et d’immobilisme que contient ce déplacement majeur de données ? Et la gouvernance de cette information ? En a-t-on pris soin à cette occasion profitant du changement pour aller vers plus de logique ? Rien n’est moins sûr…

Décryptage.

Selon une étude Lecko[2] l’usage principal du Digital Workplace reste le mail et les documents dans les Drives. Problème, le mail en ligne est strictement identique à son prédécesseur : les messages sont encore envoyés par dizaines, avec des CC en pagaille… deux gains : d’une part le fait que ce ne soit pas la DSI qui s’en charge, et d’autre part, la possibilité de mieux faire transiter des pièces jointes sans les empaqueter dans les mails, mais en faisant transiter par le Cloud dans les Drives. Ouf, une économie de stockage. Quand même…

En revanche, sous l’angle usage, aucune différence. Et sous l’angle gouvernance de l’info ? À peine… voire pire si on regarde de près ce qui se passe dans les fameux Drives.

Le NOUS dans le SI traditionnel face au JE dans le Cloud.

Pourquoi ? Parce que le SI traditionnel est organisé sous l’angle du « NOUS ». Les fameux répertoires partagés. Source, il est vrai d’un bazar sans nom. Mais qui donne la primauté au collectif. Comme une vraie co-collocation, les répertoires sont partagés par services. Il faut donc y faire sa place et faire aussi le ménage commun. ☺ Alors que dans les Drives modernes, dans le Cloud, c’est le « JE » qui l’emporte. Ce sont mes fichiers que je partage. Nuance. Ils ne sont pas dans des espaces partagés, mais partagés par moi. Ce qui pose tout un tas de questions de gestion & de gouvernance.

 

Car sous l’angle gouvernance de l’info d’un document, prenons ce qui il y a de pire : c’est la non-gestion du cycle de vie d’un document, le non-partage, et la non-organisation. Eh bien, avec les Drives en ligne c’est 100 % atteint. Car le cycle de vie du document n’est pas managé du tout. Chacun crée ses propres documents bureautiques dans le Cloud. Aucune date de fin, ou de gestion collective n’est mise en place. Sur le partage, on l’a vu, seul le partage de document de moi à vous est prévu au départ. Certes, il y a une forme de viralité… mais rapidement on constate le bon vieux copier-coller qui reprend ses droits, car chacun comprend que « son espace » est plus important que « nos partages ». Donc, plutôt que de supporter le collectif, il est plus simple à chacun de se réapproprier un document et d’en faire une copie. Enfin, l’organisation devient totalement individuelle. Aucune logique globale du coup, vu que c’est « MON espace » que je gère. On retrouve donc les travers de chacun, mais aucune approche commune.

 

Bref, pour le Drive dans le Cloud, c’est un Zéro pointé pour la gouvernance de l’info.

 

Dommage ! Sachant que dans le Digital Workplace, si on ne s’arrête pas aux outils bureautiques, la gouvernance est généralement largement mieux traitée, car pensée en natif dans le process même de l’application. Mais comme le montre l’étude Lecko, seulement 5 % utilisent des outils alternatifs au mail + drive + agenda ! C’est d’autant plus surprenant que 30 % des employés veulent plus d’information  et 30% en veulent moins. (30% ne savent pas au fond)… bref, les outils « bureautiques basiques » portés par Google & Microsoft ont alourdi le problème des données sans y répondre.

 

On voit bien leur intérêt. Mais moins celui des décideurs qui leur ont donné sur un plateau le cœur de l’activité parfois de leur entreprise ? Il faut sans doute y voir la volonté des métiers et des DGs de se débarrasser du facteur SI et du DSI source sempiternelle de déception et de difficultés.

Mais à l’heure où le digital est devenu central, quels rôles pour un décideur pour se sortir de cette nasse, que ce soit global pour une direction générale ou locale pour un manager ? Quelles actions mettre en place pour remonter le niveau général informationnel et donc le capital immatériel de son organisation ?

Plusieurs pistes sont complémentaires, et jouent autant sur les outils que sur l’humain qui les structurent. Car selon de nombreux analystes, le facteur humain est un surdéterminant pour ces sujets de gouvernance.

Il faut donc s’employer à remettre du collectif dans l’organisation. C’est à la fois un enjeu stratégique, mais souvent aussi une question de comportement et de détails. Sur le volet stratégique par exemple, on travaillera plutôt en mode projet, sur des méthodes agiles (cf. Kanbans partagés) que sur du document. Et sur le détail, on parlera des KPIs et non pas du fichier de John avec les chiffres  ☺ C’est souvent d’ailleurs couplé au fait de remettre de la valeur dans le métier (et ses pratiques) et non uniquement sur des individus. Ce qui a pour effet au final de booster le collectif. Quel manager s’en plaindrait ?

Cette volonté de collectif se traduit assez naturellement dans le fait de pousser à construire des process métiers digitaux. Eux seuls seront garants de la gouvernance des données à l’échelle d’un département.  Sans outillage idoine, on est condamné à s’enliser dans le mail et les fichiers partagés. Retour à la case départ.

Pour cela il faut savoir oser imposer quelques règles de gestion : clore un dossier, supprimer une archive, etc. C’est le rôle du management que se fixer les limites aux attentes métiers qui se traduisent par des actions concrètes dans le système d’information. Ce qui change avec le Digital Workplace, c’est la capacité des métiers de s’emparer des outils qui sous-tendent ces processus collaboratifs sans attendre que la DSI fournisse la main d’œuvre et l’intelligence de développement. L’autonomie est de mise pour les métiers. Du coup, mauvaise nouvelle… il n’y a plus d’excuse à le faire.

Au global, on peut tout simplement dire stop à l’hémorragie de croissance des datas. C’est mauvais pour le business, son organisation, les employés qui sont submergés, etc., mais c’est aussi mauvais pour la planète. Osons le dire. La question écologique n’est plus dans l’épaisseur du trait aux regards des enjeux environnementaux. Est-ce au fond un sujet si puissant qu’il sera le levier de transformation digitale et de la gouvernance de l’information ?

[1] https://www.zdnet.fr/actualites/cloud-public-les-entreprises-basculent-du-cloud-first-au-cloud-only-39882881.htm

[2] https://www.jamespot.com/blog/2020/02/03/podcast-etude-du-cabinet-lecko-place-au-tome-12/

 

 

Alain Garnier – Président de Jamespot

 

 

 

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